LA MALTRAITANCE INFANTILE, DOSSIER-CHOC DES ÉTUDES SUR LA DISSOCIATION

À partir des années 1840, de nouveaux cas de maltraitance commencent à être signalés aux États-Unis et en France : les cas de maltraitance aux enfants. En 1829 est inaugurée une revue qui contribuera significativement à faire connaître ces délits, et leurs conséquences médicales : les Annales d’hygiène publique et de médecine légale. La revue le rappelle : « La médecine n’a pas seulement pour objet d’étudier et de guérir les maladies, elle a des rapports intimes avec l’organisation sociale ». C’est pourquoi « Un recueil destiné à cette spécialité doit être très utile », précisent les auteurs. Et pour cause, dès les années 1840, les Annales publient les premiers rapports sur l’enfance maltraitée : désormais ce thème de recherche fait partie intégrante de la médecine. En 1857, le médecin légiste Auguste Tardieu (1818 – 1879) établit le premier la fréquence des abus sur enfants. Il est suivi peu de temps après par Johann Ludwig Casper, médecin allemand, qui mentionne lui aussi plusieurs cas. En 1886, Paul Bernard signale plusieurs cas similaires dans sa thèse de médecine au titre évocateur, « Attentats à la pudeur sur les petites filles ». Les États-Unis ne sont pas en reste, ils reconnaissent officiellement en 1874 le premier viol sur mineur (Cazabat, 2008), et ne tardent pas à fonder une Société de protection des enfants. À partir de ces années, les signalements de cas se multiplient des deux côtés de l’Atlantique. Bien des difficultés sont à surmonter à cette époque, où ces délits ont lieu, le plus souvent, au sein de familles riches et en apparence respectables…

La multiplication des cas recensés permet alors d’accumuler un important volume de connaissances, qui viennent rapidement se doubler d’études longitudinales (suivi des enfants traumatisés pendant plusieurs années). Dans les années 1970, lorsque les cliniciens redécouvrent le concept de Dissociation de Pierre Janet, les études sur le trauma des enfants violés ou maltraités viennent appuyer les arguments du grand psychologue : la dissociation est fréquente chez les victimes de traumatismes infantiles ! Il faudra encore attendre quelques années avant que cette pathologie reçoive sa reconnaissance internationale. En 1983, le manuel diagnostic américain (DSM-III) intègre officiellement des « Troubles dissociatifs » à sa nosographie. Inspiré des travaux de Janet, le manuel oublie toutefois de le citer… (Garrabé, 1999 ; Saillot, 2012). La constitution des échelles de mesure, telle la DES (Dissociative experience scale) vient alors compléter l’édifice pour promouvoir à grande échelle l’étude des troubles dissociatifs. Aujourd’hui, près d’un adulte sur quatre déclare avoir subi des sévices pendant son enfance : gageons que les découvertes de Pierre Janet ont encore d’innombrables et précieux services à rendre à toutes ces personnes !

À suivre…

I. Saillot – Réseau Janet et AFPJ

Cazabat Edoardo. 2008. Évolution historique du concept de dissociation. Stress et Trauma, 8 (4) : 283-284.
Garrabé Jean. 1999. La taxinomie actuelle des troubles dissociatifs. L’Évolution psychiatrique, Vol. 64 , N.4, p. 717-726.
Saillot I. 2012. Petit historique de la dissociation (Chap. 1, p. 1-28). In Dissociation et mémoire traumatique. M. Kedia, J. Vanderlinden, G. Lopez, et al. Paris : Dunod.